Obstinément et dans une forme de discrétion qui lui ressemble, Robert Durazza poursuit une oeuvre picturale où la chose peinte – issue d’une expérience discontinue – est toujours chose à naître. Le médium, constamment interrogé dans ses limites, son impouvoir, semble d’emblée s’offrir lui-même comme modèle. Se développant dès lors à la manière d’une pensée, il établit des champs perceptifs incertains, entre figuration et abstraction, matière picturale et choses du monde, peinture et pensée. L’artiste enseigne la peinture à l’école d’art de Saint Amand-Montrond (Cher).
Les tableaux de Robert Durazza témoignent d’un double usage conflictuel de la peinture comme matériau et comme représentation. Travaillée comme une matière ductile, la peinture est un territoire où se développent des interventions multiples – empâtements, recouvrements, distorsions, glacis, grattages, etc. – à travers lesquelles sa nécessité semble s’épuiser. Mais un motif apparaît, incertain, énigmatique, qui vient s’ériger contre le matériau ou malgré lui. Observons l’étrange pouvoir de « la figure » ou du « paysage » chez l’artiste, soit des anciens genres : ils naissent ou renaissent, littéralement, comme une extinction des lumières et une irruption des ombres, et s’affirment malgré tout comme les dépôts d’une ancienne présence devenue en partie incompréhensible.
Le protocole de la peinture comme modèle, évoque directement le surgissement du modèle pictural comme vision perdue ou comme effet de mémoire. Bien sûr, l’ombre d’un Rembrandt ou de tel artiste « ténébriste » flotte sur ces « visions », mais le propos de Robert Durazza ne relève pas de la citation : c’est celui d’une traversée de l’histoire de l’art et du médium pour en extraire des dispositifs liés à notre temps de crépuscule et d’indécision. L’idée de la fin des choses, du basculement dans le retrait définitif – dans l’espace hors lumière et hors peinture – est bien une obsession de l’artiste, qu’il expose farouchement comme une vision sans projet.
Outre un Feuillet de visite, l’exposition mettait à disposition des visiteurs le document : Propos d’artistes / 1 / Robert Durazza, septembre 2019 / DomaineM, titré « La superficialité de la profondeur (notes d’atelier) ».