Depuis 2015, Jérôme Dupeyrat et Laurent Sfar mènent en duo le projet artistique La bibliothèque grise, dont le chapitre 5, « bibliothèque fantôme », a été déployé au DomaineM à l’issue d’une résidence.
Parallèlement, les deux artistes poursuivent des projets personnels qui aliment leur collaboration. La pratique de Laurent Sfar s’organise autour de deux axes : l’édition de livres d’artiste qui spatialisent des textes littéraires (série Ex-libris : La disparition de Georges Pérec, Moi-même de Charles Nodier, Flatland de Eswin Abbott Abbott…) et la production d’installations en lien avec l’espace public (dont l’ONF Melun Sénart, la Scène Nationale de Belfort, les jardins du parc du Château de Versailles). Le travail de Jérôme Dupeyrat s’inscrit initialement dans le champ de la recherche, de la critique d’art et du commissariat d’exposition. Il porte, en particulier, sur les liens entre art, édition, médias et pédagogie. Depuis 2010, il coopère également, de façon fréquente, à des projets artistiques aux côtés d’artistes ou de designers graphiques : Laurence Cathala, David Coste, Officeabc [Brice Domingues et Catherine Guiral] et Laurent Sfar.
Labyrinthe sans sujet et dispositif d’incomplétude, La bibliothèque grise est un objet en expansion qui s’ouvre sans cesse sur ses propres références. C’est un lieu intermédiaire, générant des images et des objets, des pensées et des propos, des rencontres et des pratiques, à partir de cinq catégories ou cinq énoncés référés chacun à un auteur : « Enseigner et apprendre » (Robert Filliou), « Une histoire de la lecture » (Alberto Manguel), « Une chambre à soi » (Virginia Woolf), « Habiter la terre » (Yona Friedman) et « La parole mangée » (Louis Marin). Des territoires d’investigation sont ainsi actionnés, ouvrant nombre de dispositifs associant la lecture et les livres à des pratiques sociales : métiers et professions (l’éducation, l’agriculture, l’architecture…), activités enracinées dans des rapports sociaux et tissées d’espaces (le travail, le repas, la promenade, la discussion…). Ces partages d’expériences, de savoirs, de sensibilités, établissent cette « poétique de la relation » que formulait Edouard Glissant, comme « cercle ouvert de la relation vécue ».
La dé-conceptualisation du réel que pratiquent Jérôme Dupeyrat et Laurent Sfar, participe d’un mouvement aujourd’hui largement répandu parmi les artistes. Le souci de l’oeuvre ne disparaît pas pour autant : reconfiguré par les pratiques et expériences en jeu, il s’érige lui-même comme valeur sociale et éthique du commun. Le chapitre 5 de la bibliothèque grise, intitulé « bibliothèque fantôme », restaurait opportunément la présence de ce monde commun que nous habitons et que nous souhaitons continuer à habiter.
La bibliothèque grise ch. 5 « bibliothèque fantôme »
03.07.2021>01.08.2021 Exposition de sortie de résidence
EDITION : Les cahiers / n°21 Dans la bibliothèque grise – Sommaire : Michel Cegarra, « Les couleurs du gris. La bibliothèque en voyage » – Alberto Manguel, « Une histoire de la lecture » (extrait) – Robert Filliou, « Enseigner et apprendre. Arts vivants (entretien avec Allan Kaprow) » – Virginia Woolf, « Une chambre à soi » (extrait) – Louis Marin, « La parole mangée (« Apéritif théorique« ) – Yona Friedman, « Comment habiter la terre (extraits : « Cherchons des alternatives de survie« , suivi de « Inventer une autre nourriture« ) – Jérôme Dupeyrat et Laurent Sfar – Images – Format A5, dos carré, 68 pages, 12 illustrations couleurs, édition DomaineM, juillet 2021 – 10€, disponible.